Text 6 Gargantua

Toute leur vie estait employé non par lois, statuts ou règles, mais scelon leur vouloir & franc arbitre. Se levaient du lit quand bon leur semblait: buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leurs venait. Nul ne les esveillait, nul ne les parforçait ni à boire, ni à manger, ni à faire chose autre quelconques. Ainsi l'avait établi Gargantua. En leur régle n'estait que cette clause. Fais ce que voudras.
Par que gens libres, bien nés, bien instruits, conversant en compagnies honnêtes ont par nature un instinct, et aguillon, qui toujours les pousse à faits vertueux, et retire de vice, lequel ils nommaient honneur. Iceux quand par ville sujétion et contrainte sont deprimés et asservis, détournent la noble affection par laquelle à vertu franchement tendaient, à deposer et enfreindre ce joug de servitude. Car nous entreprenons toujours choses defendues, et convoitons ce qui nous est denié.
Par cette liberté entrèrent en louable emulation de faire tous ce que à un seul voyaient plaire.
Si quelqu'un ou quelqune disait "Buvons", tous buuvaient. Si disait, "jouons" tous jouaient. Si disait, "allons à l'ebat aux champs", tous y allaient. Si c'était pour voller ou chasser, les dames montées sur belles haquenées avec leur palefroi gourrier, sur le poing mignonnement engelanté portaient chacune, ou un, esprvier, ou un laneret, ou un émerillon: les hommes portaient les autres oiseaux.
Tant noblement etaient appris qu'il n'estait entre eux cellui ni celle qui ne sût lire, ecrire, chanter, jouer d'instruments harmonieux, parler de cinq et six langages, et en iceux composer tant en carme que en raison solue.
Jamais ne furent vus chevaliers tant preux, tant galants, tant dextres à pied, et à cheval, plus verts, mieux remuants, mieux maniant tous batons, que là etaient.
Jamais ne furent vues dames tant propres, tant mignonnes, moins fâcheuses, plus doctes à la main, à l'aiguille, à tout acte mulièbres honnête et libre, que là etaient.
Par cette raison quand le temps venu estait qu'aucun d'icelle abbaye, ou à la requête de ses parents, ou pour autres causes voulût issir hors, avec soi il emmenait une des dames, celle laquelle l'aurait pris pour son dévot, et etaient ensemble mariés. Et si bien avaient vécu à Thélème en devotion et amitié: encore mieux la continuaient-ils en mariage, d'autant s'entrimaient-ils à la fin de leurs jours, comme le premier de leurs noces.

Heu.. c'est du vieux français..

ah bon ? Désolé j'ai pas tout vérifié --'